Dans une interview accordée à L’Observateur, Ngouda Fall Kane, inspecteur général d’État et ancien président de la CENTIF, dresse un tableau alarmant de la situation financière du Sénégal. À la lumière du rapport 2019-2024 de la Cour des comptes, il évoque des dérives budgétaires d’une gravité sans précédent, pointant du doigt un endettement devenu insoutenable et appelant à une refondation profonde de la gestion des finances publiques.
Selon lui, le Sénégal aurait franchi un cap critique avec une dette atteignant 100 % du produit intérieur brut (PIB), une situation qu’il juge « extrêmement grave ». « Cela signifie que toutes les richesses créées servent aujourd’hui à rembourser la dette. Ce n’est plus soutenable », déplore-t-il.
Ngouda Fall Kane salue toutefois le travail de la Cour des comptes, qu’il qualifie de « première en Afrique » par son approche contradictoire. Contrairement aux simples états des lieux produits par l’administration, ce rapport repose sur une vérification approfondie, appuyée par des preuves tangibles et des échanges rigoureux entre auditeurs et audités. Résultat : des irrégularités financières inquiétantes ont été confirmées, dépassant le seuil de la simple négligence.
Face à cette situation, l’ancien président de la CENTIF appelle à un plan intérimaire de relance des finances publiques, structuré et cohérent. Ce plan, selon lui, doit s’inscrire dans une double stratégie : un endettement raisonné, pour soutenir l’investissement, et un désendettement durable, pour soulager les finances de l’État sur le long terme.
Il rappelle que l’endettement n’est pas en soi une faute, car le Sénégal, comme beaucoup de pays en développement, fait face à un décalage structurel entre ses ressources et ses besoins. Mais il insiste : « On ne peut pas continuer à emprunter sans mesurer les retombées sociales et économiques de chaque dette contractée. »
Pour Ngouda Fall Kane, cette réforme n’a de sens que si elle sert une finalité claire : améliorer les conditions de vie des Sénégalais. « Nos concitoyens attendent qu’on réponde à leurs besoins les plus élémentaires : se nourrir, se soigner, travailler, se sentir en sécurité. Toute stratégie budgétaire doit partir de là. »
Alors que la pression financière s’intensifie et que les marges de manœuvre de l’État se réduisent, la sortie de crise passera inévitablement par une gouvernance rigoureuse, une gestion transparente des ressources, et une volonté politique forte de rompre avec les pratiques du passé.