Au cœur de la décharge de Mbeubeuss, un vaste terrain de plus de 200 hectares où s’entassent les déchets de Dakar, des femmes se battent chaque jour pour extraire de la misère de quoi subsister. Dans ce milieu hostile, dominé par les hommes, elles fouillent, trient et vendent des matériaux recyclables, malgré les dangers et la précarité.
Un univers de crasse et de survie
Dès l’aube, les camions bennes déversent des montagnes d’ordures. Une odeur âcre flotte dans l’air, mélangée à la poussière qui colle à la peau. Les récupératrices, visages masqués de leurs moussors, s’activent, pioches à la main, à la recherche de plastique, de ferraille ou de restes alimentaires. Certaines travaillent à mains nues, sans gants ni protection, exposées aux coupures, aux infections et aux fumées toxiques.
Parmi elles, Fatou Samb, 63 ans, doyenne des lieux, observe depuis plus de trois décennies l’évolution de cette décharge. « Je fais partie des premières », confie-t-elle avec fierté. Victime d’un accident qui l’a privée partiellement de la vue, elle ne quitte pourtant pas Mbeubeuss, où elle emploie désormais de jeunes travailleurs pour fouiller à sa place. Son gain ? 15 FCFA par kilo de plastique, une somme dérisoire pour subvenir aux besoins de sa famille.
Des revenus de misère
Mariama Gningue, 45 ans, récupère les déchets organiques pour les revendre aux éleveurs à 1 250 FCFA le sac. Divorcée et mère de six enfants, elle avoue : « Je peine à les nourrir. » Comme elle, beaucoup survivent avec 2 000 à 4 000 FCFA par jour, loin du salaire minimum sénégalais (environ 35 000 FCFA/mois).
Plus jeune, Aminata Guèye, 22 ans, s’accroche malgré tout. Spécialisée dans la ferraille, elle gagne entre 6 000 et 10 000 FCFA quotidiennement, un revenu relativement meilleur, mais insuffisant pour échapper à ce cercle vicieux. « J’espère un jour quitter ce lieu », murmure-t-elle, tout en reconnaissant que sans formation ni alternative, l’espoir reste mince.
Un métier à haut risque, sans protection
Aucune de ces femmes ne porte d’équipement adapté. Les gants sont rares, les masques inefficaces contre les gaz toxiques. Les blessures et maladies respiratoires sont fréquentes, mais aucune couverture médicale ne leur est offerte. Pourtant, elles persistent, par nécessité plus que par choix.
Enjeux et perspectives
Si Mbeubeuss représente une source de revenus pour des milliers de personnes, son impact sanitaire et environnemental est désastreux. Des projets de réhabilitation ont été évoqués, mais sans solution concrète pour ces travailleuses de l’ombre.
En attendant, elles continuent leur lutte, dans l’indifférence générale, prouvant que derrière chaque déchet se cache une histoire de résilience et de dignité bafouée.