Ce mercredi, le tribunal des flagrants délits de Dakar a jugé Assane Guèye, plus connu sous le pseudonyme Azoura Fall, et El Hadji Ousseynou Kairé, tous deux militants du parti Pastef, poursuivis pour « discours contraires aux bonnes mœurs ». En cause : des vidéos publiées sur les réseaux sociaux, dans lesquelles ils tiennent des propos jugés injurieux à l’endroit de l’ancien président Macky Sall et d’autres figures politiques sénégalaises.
La projection de ces séquences à l’audience a suscité une forte émotion dans la salle, révélant des propos crus et des invectives sans retenue. Face aux juges, les deux prévenus ont reconnu les faits, exprimé leurs remords et présenté leurs excuses.
Azoura Fall a tenté de contextualiser ses propos en affirmant qu’ils avaient été prononcés dans un cadre privé, au cours d’un live TikTok réservé à ses abonnés, en réaction à une insulte d’un internaute. Il a mis en cause l’ancien directeur de Dakar Dem Dikk, Me Moussa Diop, l’accusant d’avoir divulgué la vidéo après qu’il a refusé de le recommander auprès du leader de Pastef, Ousmane Sonko. Visiblement éprouvé, Azoura Fall a même tenté de se déshabiller à la barre, souhaitant exhiber des traces de violences présumées subies en détention. Il a aussi évoqué des troubles physiques et psychologiques, consécutifs à de précédentes incarcérations.
Son co-accusé, Ousseynou Kairé, a quant à lui expliqué avoir volontairement publié sa vidéo dans le but d’être arrêté, espérant ainsi inciter Azoura Fall à se rendre. Il a aussi dénoncé des actes de violence lors d’une arrestation antérieure, parlant de sévices infligés par des éléments des forces de l’ordre.
Le procureur, pour sa part, a balayé les arguments de la défense. Il a requis une peine de six mois de prison, dont trois mois ferme, pour chacun des prévenus, estimant que les vidéos portent gravement atteinte au respect des institutions. Concernant l’état psychologique d’Azoura Fall, le ministère public a rejeté le certificat médical faisant état d’un trouble délirant persistant post-psychotraumatique, soulignant que « 20 minutes de consultation ne suffisent pas à établir une altération du discernement ».
La défense a dénoncé une procédure « entachée d’irrégularités », plaidé la nullité du dossier, et sollicité la liberté provisoire pour ses clients.
Le verdict du tribunal est attendu dans les prochains jours. Cette affaire relance une fois de plus le débat sur les limites de la liberté d’expression à l’ère des réseaux sociaux au Sénégal.