Le dernier Rapport de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) du Sénégal pour le premier semestre 2024, publié en avril 2025, met en lumière les progrès accomplis et les défis persistants dans la gestion transparente des ressources minières, pétrolières et gazières du pays. Ce rapport couvre la période du 1er janvier au 30 juin 2024 et s’inscrit dans le cadre de la Norme ITIE 2023.
Le Sénégal est reconnu internationalement pour ses efforts en matière de transparence, ayant atteint un score très élevé (93 points) lors de sa deuxième validation ITIE en octobre 2021. Le pays a déjà publié onze rapports ITIE couvrant les années 2013 à 2023. L’ITIE est une norme mondiale visant à promouvoir la bonne gouvernance par la divulgation complète et fiable des informations sur les paiements, les recettes, et les impacts sociaux et environnementaux de l’exploitation des ressources naturelles.
Cadre Juridique et Institutionnel
Le cadre institutionnel du secteur extractif a connu une évolution notable avec la signature en août 2024 du Décret n°2024-1593, qui fusionne les ministères des Mines et de la Géologie, et du Pétrole et des Énergies en un seul « Ministère de l’Énergie, du Pétrole et des Mines ».
Le secteur minier est principalement régi par la Loi n°2016-32 du 8 novembre 2016 portant Code Minier, complété par une convention minière type et d’autres textes législatifs comme le Code Général des Impôts et le Code de l’Environnement. Le secteur pétrolier est régi par la Loi n°2019-03 du 1er février 2019 portant Code Pétrolier. La Constitution sénégalaise stipule que les ressources naturelles appartiennent au peuple et sont utilisées pour l’amélioration de ses conditions de vie.
Transparence des Contrats et des Licences
La Loi n°2012-22 sur la Transparence dans la Gestion des Finances publiques impose que les contrats entre l’administration publique et les entreprises d’exploitation de ressources naturelles soient clairs et rendus publics. Cette exigence est renforcée par l’article 117 du Code Minier 2016 qui prévoit la publication des conventions minières au Journal Officiel. Dans la pratique, tous les contrats miniers en cours depuis 1979 ont été publiés sur le site du Comité National ITIE, avec dix (10) nouvelles conventions publiées en 2024. Les contrats pétroliers sont également publiés au Journal Officiel et accessibles sur les sites du gouvernement et de l’ITIE Sénégal, bien que la liste sur le site ITIE datée de fin 2022 nécessite une mise à jour.
Concernant les titres, le Sénégal comptait 453 titres miniers et de carrières au 1er semestre 2024. Le Code Minier et le Code Pétrolier définissent les conditions d’obtention, les droits et obligations associés à chaque type de titre. Les procédures d’octroi, de renouvellement et de transfert des titres miniers sont suivies conformément au manuel de procédures du ministère, bien qu’une étude sur l’application effective du cadre légal pour les opérations intervenues en 2021 et 2022 soit envisagée. Aucune procédure d’octroi accélérée n’a eu lieu au 1er semestre 2024.
Les cadastres minier et pétrolier sont accessibles en ligne. Cependant, des manquements subsistent dans le cadastre minier, notamment l’absence de date de fin de validité pour certains types de titres et de périmètre pour d’autres. Un travail de mise à jour et de dématérialisation est en cours.
Propriété Effective et Juridique
La divulgation des bénéficiaires effectifs (BE) est régie par le décret N° 2020-791. Ce décret définit les BE comme les personnes physiques qui possèdent ou contrôlent directement ou indirectement une entité. Les informations sur les BE sont accessibles sur demande justifiant d’un intérêt légitime, notamment par les structures de l’État et le Président du Comité National ITIE. Le nouveau Code Pétrolier oblige les titulaires de titres d’hydrocarbures à fournir des informations sur leurs bénéficiaires réels. Cette obligation a été étendue à tous les secteurs économiques par la loi de finances rectificative pour 2021.
Au 17 octobre 2024, 518 entreprises avaient déclaré leurs bénéficiaires effectifs. Cependant, l’analyse du Registre des BE révèle des manquements tels que l’absence d’informations sur les Personnes Politiquement Exposées (PPE) et la modalité de contrôle, ainsi que le pourcentage de participation non renseigné pour toutes les entreprises. La divulgation de la propriété juridique (actionnaires) peut être obtenue via le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM), bien que son portail web ne permette pas encore la consultation exhaustive de ces données. Une révision du décret relatif au RBE est en cours pour inclure l’obligation de divulgation de la propriété légale.
Entreprises d’État
Dans le secteur minier, la Société des Mines de Fer du Sénégal oriental (MIFERSO) est la seule entreprise d’État exerçant actuellement, bien qu’elle n’ait pas encore lancé l’exploitation effective des gisements de fer de la Falémé après près de cinq décennies. La Cour des Comptes s’est interrogée sur son utilité. La Société des Pétroles du Sénégal (PETROSEN) est l’entreprise d’État dans le secteur des hydrocarbures. Elle a une participation portée par l’exploitant durant la recherche, mais participe aux dépenses après une découverte commerciale. PETROSEN a publié ses états financiers de 2022 et 2023 sur son site. Les entreprises d’État n’ont pas déclaré de politique spécifique de lutte contre la corruption dans leurs formulaires, bien que PETROSEN ait un Code de conduite et d’éthique publié sur le site ITIE.
Impacts Environnementaux et Sociaux
Le Sénégal dispose d’un cadre juridique solide imposant les Évaluations d’Impact Environnemental et Social (EIES) et les consultations avec les communautés affectées. Le Code de l’Environnement, notamment, oblige l’audience publique et la participation du public dans le processus de décision. Les titulaires de titres miniers doivent disposer d’un certificat de conformité environnementale avant de démarrer les travaux.
Malgré ce cadre, le rapport constate que les entreprises ne publient pas systématiquement les études d’impact environnemental et social (EIES), limitant l’accès à l’information pour les populations affectées et les parties prenantes. Seules deux entreprises minières ont renseigné le lien de publication de leur EIES. Pour le secteur pétrolier, des EIES détaillées ont été réalisées pour des projets majeurs comme Grand Tortue/Ahmeyim (GTA) et Sangomar. Cependant, il n’existe pas de publication officielle recensant les rapports de consultations communautaires provenant des services de l’État, bien que certaines entreprises comme Grande Côte Operations (GCO) et Sabodala Gold Operations (SGO) incluent des informations dans leurs rapports. L’État a publié en 2022 un rapport stratégique sur l’évaluation environnementale et sociale du secteur pétrolier et gazier.
Le cadre légal est jugé incomplet car il n’encadre pas précisément la publication des EIES. Il est recommandé de renforcer ce cadre légal et de sensibiliser les entreprises à la divulgation.
Le rapport souligne l’importance de l’audit indépendant des paiements et revenus. Pour les entreprises extractives soumises à l’obligation d’avoir un Commissaire aux Comptes, le formulaire de déclaration doit être accompagné des rapports d’audit et des états financiers certifiés. Le cadre de contrôle et d’audit au Sénégal a été jugé moyennement fiable pour les entreprises extractives en l’absence de publication systématique des états financiers certifiés et des rapports d’audit. L’Administrateur Indépendant a pris des mesures pour protéger la confidentialité des données collectées.
Le rapport ITIE 1er semestre 2024 démontre l’engagement continu du Sénégal envers la transparence dans ses industries extractives, tout en identifiant des domaines clés nécessitant des améliorations pour une gouvernance accrue et une meilleure allocation des revenus au profit du développement durable.