Les rapports d’exécution budgétaire du premier trimestre 2025 et du quatrième trimestre 2024, rendus publics ces dernières semaines, suscitent de vives interrogations. L’ancien ministre de la jeunesse Pape Malick Ndour, a réagi à leur contenu en dénonçant ce qu’il qualifie de « budget de confort, non de rupture », pointant plusieurs incohérences chiffrées et politiques.
Un trou de 40 milliards dans les recettes 2025
Selon les données officielles publiées par le ministère des Finances, les recettes totales collectées à fin mars 2025 s’élèvent à 1 027,82 milliards FCFA, soit 21,44 % des prévisions annuelles de la Loi de Finances Initiale. Mais pour Ndour, ces chiffres doivent être examinés avec prudence. Il souligne, en se basant sur les tableaux du rapport, un écart de près de 40 milliards FCFA entre les recettes attendues et celles effectivement recouvrées au premier trimestre.
« Le gouvernement nous avait assuré de la sincérité du budget. Mais au vu de ce manque à gagner, on est en droit de se demander si les prévisions n’étaient pas surévaluées », fait-il remarquer.
Des investissements publics presque inexistants
Autre point de friction : le niveau anémique des investissements exécutés par l’État sur la même période. D’après le rapport, seuls 2,64 milliards FCFA ont été investis au cours du premier trimestre 2025, pendant que les dépenses de fonctionnement explosent : 463,93 milliards FCFA pour les transferts courants, 84,65 milliards FCFA pour les biens et services.
« Quand il s’agit de payer ou d’entretenir l’appareil d’État, les procédures sont fluides. Mais pour investir dans le bien-être des populations, on parle de lenteurs administratives. C’est une logique d’entretien du système, pas de transformation », déplore l’économiste.
Il cite à titre d’exemple l’achat de véhicules neufs pour les députés, pour un montant estimé à près de 8 milliards FCFA, soit presque quatre fois le montant global des investissements réalisés par l’État en trois mois.
Une LFR 2024 sous le sceau du doute
L’analyse de l’exécution budgétaire du quatrième trimestre 2024 ne rassure pas davantage. Le rapport de la Cour des comptes évoque 131 milliards FCFA de recettes perçues en 2024 mais rattachées à l’exercice budgétaire 2023. Problème : dans les comptes 2024, seulement 87,9 milliards apparaissent en plus, soit un manque apparent de 43,1 milliards FCFA.
« Si les 131 milliards ont bien été intégrés, il y a un trou de 43 milliards par rapport aux prévisions. Sinon, cela signifie que les chiffres de la Cour ont été modifiés. Dans les deux cas, la sincérité budgétaire est compromise », martèle Ndour.
Un « cadeau » budgétaire de 90 milliards fin décembre ?
Enfin, l’économiste s’interroge sur un autre fait marquant : l’explosion des dons reçus par l’État à la toute fin de l’année 2024. La Loi de Finances Rectificative, votée le 24 décembre, prévoyait 65,2 milliards FCFA de dons. Pourtant, au 31 décembre, ce sont 155,3 milliards FCFA qui sont enregistrés dans le rapport, soit un écart de 90 milliards en l’espace d’une semaine.
« Soit le gouvernement savait et n’a pas intégré ces montants pour ne pas réviser la LFR, soit il s’agit de dons dissimulés ou exceptionnellement débloqués. Dans tous les cas, la transparence n’est pas au rendez-vous », déclare-t-il.
Une rupture qui tarde à se matérialiser
Alors que les nouvelles autorités ont été élues sur la base d’un discours de rupture avec les pratiques budgétaires opaques, ces premiers signaux posent question, selon l’économiste. Pour lui, le manque de rigueur et d’investissement productif pourrait ralentir la croissance et aggraver la précarité, notamment chez les jeunes.
« Ce budget n’est pas tourné vers l’avenir. Il entretient l’administration, mais n’engage aucune transformation structurelle. »
Enfin Pape Malick Ndour invite le gouvernement à faire toute la lumière sur ces incohérences budgétaires, dans un souci de redevabilité, mais surtout de crédibilité auprès des citoyens et des partenaires techniques et financiers.