De « nombreuses choses vont bouger » dans le paysage institutionnel sénégalais. Loin d’être une simple réforme cosmétique ou sémantique visant à changer l’appellation de Conseil constitutionnel en Cour constitutionnelle, le projet sur la table vise à transformer l’institution en une véritable juridiction constitutionnelle dotée de pouvoirs adaptés à la temporalité politique actuelle. C’est le sens de la réforme proposée par le comité AD HOC mis en place par le président.
Parmi les propositions phares discutées au sein de ce comité, l’élargissement de la Cour constitutionnelle est central. Il est envisagé de passer de sept membres à neuf membres. Cet élargissement n’est pas qu’une question de nombre ; il est pensé pour prendre en compte l’ouverture dans les modes de nomination afin d’obtenir un meilleur rééquilibrage, impliquant notamment le président de la République et le président de l’Assemblée nationale.
Mais au-delà du nombre et des modes de nomination, la réforme s’attaque à l’identité même des juges constitutionnels. Actuellement, le Conseil constitutionnel n’est composé que de magistrats. L’idée est d’inviter d’autres sensibilités, car la Cour est appelée à répondre à une forme de normativité sociale et doit donc inviter la société en son sein.
Cette ouverture signifierait que la Cour constitutionnelle pourrait être composée de techniciens du droit, de professionnels du droit, de théoriciens (il est souligné qu’il manque des professeurs au Conseil actuel), mais aussi d’avocats et potentiellement même d’enseignants. L’objectif est un meilleur éclectisme dans la composition, reflétant non seulement une légalité juridique mais aussi une légalité sociologique.
Les réflexions portent également sur les pouvoirs de cette future Cour. Il est envisagé qu’elle puisse s’autosaisir. Cette prérogative d’auto-saisine pourrait être utilisée, par exemple, lorsqu’il y a incompétence négative de l’Assemblée nationale – c’est-à-dire quand l’Assemblée n’exerce pas ses prérogatives – ou lorsqu’il y a des problèmes d’application, d’exercice, ou des violations massives des droits fondamentaux.
Un autre point majeur, au cœur des réflexions du comité, est la possibilité pour les citoyens, les Sénégalais, de saisir la Cour constitutionnelle. Cette ouverture permettrait aux individus de s’adresser à la Cour lorsque leurs droits fondamentaux sont atteints. Pour gérer cette potentielle affluence, un système de filtre sera évidemment mis en place pour éviter l’engorgement de la juridiction constitutionnelle.
Ces propositions, émanant du comité mis en place par le président, visent à penser une véritable juridiction constitutionnelle plus représentative, plus proactive et plus accessible aux citoyens, marquant un tournant potentiellement majeur pour l’État de droit au Sénégal.