Une récente publication de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD) met en lumière l’ampleur des disparités économiques régionales au Sénégal. En 2023, le Produit intérieur brut (PIB) du pays, estimé à 18 619,5 milliards de FCFA, reste largement dominé par la région de Dakar, qui concentre à elle seule 46 % de cette richesse, soit 8 567,7 milliards de FCFA.

Cette prédominance s’explique, selon l’ANSD, par la forte concentration d’unités économiques dans la capitale, dont la superficie ne représente pourtant que 0,3 % du territoire national (550 km²).
Une économie fortement polarisée
À Dakar s’ajoutent seulement quatre autres régions — Thiès (10,6 %), Diourbel (5,4 %), Saint-Louis (4,9 %) et Kaolack (4,4 %) — pour former un bloc représentant 71,3 % du PIB national.
Les neuf autres régions du pays se partagent à peine 28,7 % de la richesse produite : Fatick (3,3 %), Kaffrine (3,1 %), Kédougou (3,6 %), Kolda (3,3 %), Louga (3,8 %), Matam (2,6 %), Sédhiou (2,6 %), Tambacounda (3,3 %) et Ziguinchor (3,1 %).
En termes de PIB par habitant, seules Dakar et Kédougou dépassent la moyenne nationale (1 027 202 FCFA), avec respectivement 2 725 107 FCFA et 2 139 558 FCFA. Ces chiffres traduisent un déséquilibre structurel profond, où la capitale concentre non seulement la richesse, mais aussi les infrastructures, les services et les opportunités d’emploi.
Une inégalité héritée de l’histoire coloniale
Cette situation n’est pas propre au Sénégal. La centralisation économique autour des capitales côtières trouve ses racines dans la période coloniale, lorsque les ports servaient de portes d’entrée vers l’hinterland pour l’exploitation des ressources.
Après les indépendances, peu de pays africains ont mis en œuvre de véritables politiques de rééquilibrage territorial. Dakar a ainsi pris le dessus sur Saint-Louis, ancienne capitale, tout comme Accra sur Cape Coast (Ghana) ou Abidjan sur Yamoussoukro (Côte d’Ivoire).
Même les tentatives de transfert de capitale ont souvent échoué : Yamoussoukro n’a pas supplanté Abidjan, Abuja peine à détrôner Lagos dans le cœur des Nigérians, et au Sénégal, le projet Lompoul du président Abdoulaye Wade n’a jamais vu le jour.
Diamniadio, une tentative de déconcentration
Face à la saturation de la capitale, Macky Sall a lancé la construction de Diamniadio, nouvelle ville destinée à désengorger Dakar et à redistribuer une partie des activités économiques.
Mais malgré cet effort, la centralisation des investissements et des services essentiels demeure largement inchangée, aggravant les inégalités territoriales.
Les conséquences sont multiples : exode rural massif, chômage élevé en zones intérieures, accès limité aux soins et à l’éducation, et pression urbaine croissante sur Dakar (inflation, crise du logement, urbanisation anarchique, insécurité).
Vers un rééquilibrage territorial durable
Cette fracture économique et sociale rend urgente la mise en œuvre de pôles-territoires régionaux capables de valoriser les ressources locales et d’offrir des alternatives économiques crédibles à la jeunesse.
Une telle approche permettrait de réduire la dépendance envers Dakar, d’encourager la création d’emplois décentralisés et de stimuler un développement inclusif, plus en phase avec les ambitions de la Vision Sénégal 2050.
En somme, les données de l’ANSD rappellent que le développement du Sénégal ne pourra être durable sans une réelle politique d’équilibre territorial, où chaque région jouerait pleinement son rôle dans la création de richesse nationale.




