Le Conseil constitutionnel a récemment tranché sur la très attendue loi interprétative de la loi d’amnistie, suscitant un large débat dans les milieux juridiques et politiques sénégalais. Deux constitutionnalistes, Ndiogou Sarr et Dr Mamadou Salif Sané, ont livré leurs lectures de cette décision capitale, qui pourrait ouvrir une brèche pour les victimes des événements meurtriers de mars 2021 et février 2024.
Maître de conférences à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Ndiogou Sarr considère cette décision comme une avancée majeure dans l’interprétation du droit. Il souligne que le Conseil constitutionnel a respecté les procédures en rejetant une loi qui, sous couvert d’interprétation, tentait de restreindre injustement le champ d’application de la loi d’amnistie.
« Le juge a rappelé qu’une loi interprétative ne peut ni ajouter ni retrancher », a-t-il affirmé. Pour lui, cette tentative de modification par l’Assemblée violait à la fois le principe de légalité et celui de non-rétroactivité.
Plus encore, le Conseil a profité de l’occasion pour clarifier le champ de la loi d’amnistie. Les crimes de sang, les actes de torture et de barbarie en sont exclus. Ce point précis constitue une avancée juridique essentielle.
« Les victimes peuvent désormais saisir la justice pénale pour demander des comptes aux auteurs présumés », soutient le constitutionnaliste.
Ainsi, paradoxalement, la tentative d’interprétation restrictive a permis d’éclaircir un flou juridique qui pesait sur les procédures. C’est donc un revers apparent pour ses initiateurs, mais une victoire pour les victimes et l’État de droit.