L’affaire de l’assiette foncière du tribunal de Pikine-Guédiawaye prend une tournure explosive. Après les premières implications politiques, dont celle de l’ancien ministre de la Justice Ismaïla Madior Fall, les auditions menées par la Division des investigations criminelles (DIC) lèvent un peu plus le voile sur les pratiques opaques qui ont entouré ce dossier sensible.
Au cœur des révélations, Mame Boye Diao, ancien directeur général des Impôts et Domaines, dont l’audition a laissé les enquêteurs perplexes. Devant le commissaire Cheikh Sadibou Diallo, il a affirmé n’avoir jamais été informé de l’existence du décret présidentiel n°2020-1281 du 8 juin 2020, qui attribuait 2 hectares, 85 ares et 14 centiares au ministère de la Justice pour la construction d’un palais de justice. Une déclaration jugée étonnante, venant d’un haut responsable qui avait justement la charge de superviser le domaine public.
Mame Boye Diao a tenté de justifier cette méconnaissance par la publication d’un second décret, n°2021-701 du 4 juin, établissant un nouveau Plan d’urbanisme de détail (PUD) de Guédiawaye. Selon lui, ce décret aurait réduit l’assiette foncière à 2 hectares et abrogé le précédent, mais ses propos n’ont été appuyés par aucun document ou preuve concrète. Une interprétation juridique floue qui, selon les enquêteurs, va à l’encontre des normes administratives.
L’enquête révèle également que l’ancien directeur général de l’Urbanisme et de l’Architecture, feu Oumar Sow, aurait procédé au morcellement de l’assiette foncière, en y créant 36 lots identifiés par la lettre « J », dont plusieurs auraient été attribués dans des conditions opaques.
Fait troublant : Mame Boye Diao a reconnu avoir obtenu cinq parcelles, les lots J3, J4, J17, J21 et J32, qu’il affirme avoir offertes à ses proches : Kaba Diakhaté, Moustapha Ka, Insa Ndiaye, Mactar Talla et Malick Dieng. Une révélation qui alimente davantage les soupçons de favoritisme et de détournement de biens publics.
Confronté aux irrégularités constatées sur les baux – notamment l’usage discutable des avis de la Commission de contrôle des opérations domaniales (CCOD) – l’ancien directeur tente de rejeter la responsabilité sur son successeur, Mamadou Guèye. Il affirme que c’est ce dernier qui aurait délivré les baux litigieux. Toutefois, il reconnaît que le système permettait une utilisation abusive des avis de la CCOD, mettant ainsi en lumière une faille structurelle dans la gestion du foncier public.